La Corse, île de beauté aux paysages à couper le souffle, abrite également une face sombre : celle du crime organisé corse, communément appelé “mafia corse” ou “milieu corse”. Derrière ces termes se cachent des figures redoutées, des parrains ayant marqué de leur empreinte sanglante l’histoire récente de l’île. Dans cet article, nous vous proposons une plongée au cœur de ce monde criminel, en explorant les personnalités les plus influentes et les faits marquants qui ont façonné la réputation de cette mafia insulaire.
Les points à retenir
Avant d’entrer dans les détails, voici un bref résumé des principales figures qui seront abordées : Jean Lucciani, surnommé “Le Mentor”, fut l’un des premiers parrains de la mafia corse moderne dans les années 70. François Marcantoni, ancien légionnaire, s’est illustré par de nombreux braquages et meurtres. Jean-Jé Colonna et Jacques Mariani ont dirigé le redoutable “gang de la Brise de mer” à Bastia dans les années 80. Michel Tomi a régné sur le “milieu” ajaccien dans les années 90, avant de passer le relais à Alain Orsoni. Enfin, Yves Calvetti fut un membre influent du “gang de la Brise de mer”.
Définition de la “mafia corse”
Mais qu’entend-on exactement par “mafia corse” ? Il s’agit d’un ensemble de structures criminelles organisées, ancrées dans la culture et les traditions insulaires. Ses origines remontent aux années 1970, lorsque des bandes de malfaiteurs corses ont commencé à s’organiser de manière hiérarchique, avec à leur tête des “parrains” exerçant un contrôle sur des territoires et des activités illégales spécifiques. Le mode opératoire de la mafia corse repose sur des liens familiaux et claniques forts, une omerta (loi du silence) quasi-inviolable, ainsi que l’infiltration des sphères économiques et politiques locales. Ses activités criminelles typiques incluent le trafic de stupéfiants, les extorsions de fonds, le blanchiment d’argent, sans oublier les règlements de comptes sanglants pour asseoir son autorité.
Figures marquantes
Parmi les figures les plus marquantes de la mafia corse, citons tout d’abord Jean Lucciani, surnommé “Le Mentor”. Ancien berger devenu parrain dans les années 70, il a contribué à structurer le milieu corse en une véritable organisation criminelle hiérarchisée. Son emprise s’étendait sur une grande partie de l’île, et il était craint pour sa violence et son absence totale de scrupules.
François Marcantoni, quant à lui, était un ancien légionnaire reconverti dans le grand banditisme. Impliqué dans de nombreux braquages, enlèvements et meurtres, il a notamment été inculpé dans la retentissante affaire Markovic en 1968, avant d’être finalement blanchi. Personnage haut en couleur, il fréquentait les célébrités du cinéma des années 60 et cultivait une image de truand charmeur.
Dans les années 80, c’est le redoutable gang de la Brise de mer qui a pris l’ascendant sur le banditisme corse, avec à sa tête deux figures de proue : Jean-Jé Colonna et Jacques Mariani. Basé à Bastia, ce gang a étendu son emprise criminelle sur toute la Haute-Corse, s’enrichissant grâce aux braquages, au trafic de drogue et aux extorsions. Colonna, considéré comme le dernier “parrain à l’ancienne”, a été tué dans des circonstances troubles en 2006, tandis que Mariani a écopé de lourdes peines de prison pour ses activités criminelles.
Dans les années 90, c’est Michel Tomi, surnommé “le parrain des parrains”, qui a régné sur le “milieu” ajaccien. Homme d’affaires véreux aux ramifications internationales, il a été condamné à plusieurs reprises pour des faits de corruption, de blanchiment d’argent et d’abus de biens sociaux. Son successeur désigné, Alain Orsoni, a repris les rênes du milieu ajaccien, avant d’être lui-même emprisonné pour une série d’assassinats liés à une guerre des clans avec le “gang du Petit Bar”.
Enfin, Yves Calvetti fut l’un des membres les plus influents du “gang de la Brise de mer”. Bras droit de Jean-Jé Colonna, il a été impliqué dans de nombreux règlements de comptes sanglants et condamné à de lourdes peines de prison pour association de malfaiteurs en bande organisée.
Zones d’influence géographiques
Géographiquement, la mafia corse a longtemps été divisée en deux zones d’influence principales : la Haute-Corse, fief du “gang de la Brise de mer” autour de Bastia, et la Corse-du-Sud, dominée par le “milieu” ajaccien de Michel Tomi et Alain Orsoni. Voici une carte récapitulative des principales villes et régions sous l’emprise de ces différents clans mafieux :
Activités criminelles notoires
Au fil des décennies, la mafia corse s’est illustrée par de nombreux crimes retentissants, souvent liés à des règlements de comptes sanglants entre clans rivaux. Parmi les faits les plus marquants, on peut citer le casse de l’UBS à Genève en 1990, attribué au “gang de la Brise de mer” et au cours duquel 125 millions de francs suisses ont été dérobés sans laisser de trace. L’assassinat de Richard Casanova, figure emblématique de ce même gang, en 2008, a également déclenché une violente guerre des clans à Bastia.
Dans le Sud de l’île, le “milieu” ajaccien s’est rendu coupable de nombreuses extorsions de fonds auprès d’entrepreneurs locaux, ainsi que de trafics d’armes et de stupéfiants en provenance d’Afrique et d’Amérique latine. Les assassinats de Thierry Castola, Sabri Brahimi, Nicolas Salini et Jean-Noël Dettori en 2009, attribués au clan Orsoni, ont marqué les esprits par leur violence extrême.
Plus récemment, en 2020 et 2021, une série d’attentats à l’explosif visant un glacier à Propriano a mis en lumière l’émergence d’une nouvelle génération de malfrats, issus de la communauté maghrébine et gitane de l’île, gravitant autour de la figure montante de Yassine Akhazzane.
Lutte des autorités
Face à l’emprise tentaculaire de la mafia corse, les autorités n’ont eu de cesse de lutter pour démanteler ces organisations criminelles. Dès les années 80, de grandes opérations policières et judiciaires ont été lancées, visant à interpeller les têtes pensantes et à démembrer les réseaux. La création de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) à Marseille en 2009 a permis de centraliser les enquêtes et de frapper plus efficacement le grand banditisme insulaire.
Parmi les coups les plus significatifs portés à la mafia corse, on peut citer l’arrestation de Jacques Mariani en 2003, condamné à 18 ans de prison pour une série d’assassinats liés au “gang de la Brise de mer”. En 2015, c’est Guy Orsoni, fils d’Alain Orsoni, qui a été acquitté de manière retentissante pour les meurtres de membres du “gang du Petit Bar”, avant d’être à nouveau incarcéré pour d’autres faits.
Malgré ces succès ponctuels, la lutte contre la mafia corse reste un combat de longue haleine pour les forces de l’ordre, qui doivent sans cesse s’adapter aux nouvelles formes que prend le crime organisé sur l’île.
Héritage actuel
Aujourd’hui, bien que sérieusement ébranlée par les coups répétés des autorités, la mafia corse conserve une influence résiduelle sur l’île, notamment dans certains secteurs économiques comme le BTP ou les jeux d’argent. Si les grandes figures historiques ont été décapitées ou emprisonnées, de nouvelles têtes émergent, issues parfois de communautés extérieures à la Corse comme les Maghrébins ou les Gitans.
L’héritage mafieux pèse encore sur la société insulaire, entretenant un climat de violence et d’omerta qui freine le développement économique et social de la Corse. Cependant, une prise de conscience semble s’opérer, portée par des mouvements citoyens comme le collectif Massimu Susini, qui appellent les élus à prendre position contre cette gangrène criminelle.
Si la mafia corse a perdu de sa superbe d’antan, elle reste une réalité avec laquelle l’île devra encore composer dans les années à venir. Une lutte de tous les instants pour préserver l’avenir de cette terre de beauté, trop longtemps gangrenée par les agissements de quelques-uns de ses fils les plus violents.